Les « patchs anti-ondes » n’ont pas de bénéfice pour la santé
L’influenceuse Enjoyphoenix a établi un partenariat rémunéré pour promouvoir des « patchs anti-ondes » sur son compte Instagram. Problème : le bénéfice sanitaire de ces autocollants n’est pas prouvé. Ils pourraient même être néfastes.

C’est un partenariat rémunéré qui va peut-être causer davantage de maux de tête à Enjoyphoenix que les ondes émises par les smartphones. En effet, la célèbre influenceuse s’est retrouvée à faire la promotion d’un produit dont le bénéfice sanitaire n’a jusqu’à présent pas été scientifiquement démontré. Un gadget qui est présenté comme capable de réduire ou annuler des symptômes attribués aux ondes, justement, comme les maux de tête.

Que s’est-il passé ? Dans la soirée du 4 mai 2022, la youtubeuse et instagrammeuse française, qui s’appelle Marie Lopez dans la vie civile, a partagé plusieurs « stories » sur son compte personnel. Ces « stories », qui sont des contenus éphémères visibles pendant 24 heures, sont notamment consacrées à une entreprise suisse, Fazup, dont la spécialité est de fabriquer des « patchs anti-ondes ». Ou du moins, des patchs présentés comme tels.

Enjoyphoenix story Fazup

En tout, Enjoyphoenix a partagé neuf stories sur sa compte Instagram dans lesquels elle vante les mérites supposés de ce patch. « Fazup n’est pas un simple autocollant, mais une antenne passive qui se colle précisément sur l’antenne de votre mobile grâce à l’outil de pose fourni. Il régule l’émission d’ondes des mobiles à la source, et réduit votre exposition, mais n’élimine pas 100 % des ondes », peut-on par exemple lire dans un encart accompagnant le propos de l’influenceuse.

Tout le reste est à l’avenant. Le problème, malheureusement pour Enjoyphoenix comme pour les internautes qui accorderaient à tort leur confiance dans ce partenariat rémunéré (le montant du contrat entre l’influenceuse et Fazup n’est pas public. On sait seulement que les internautes qu’elle réussira à convertir auront droit à une réduction de20 % en utilisant un code sur le site du marchand), c’est que ces patchs n’ont pas démontré leur efficacité.

C’est normal que les smartphones émettent des ondes, puisque ce sont des liaisons sans fil

D’abord, un constat : il faut rappeler que les smartphones n’étant pas connectés physiquement par un fil à une antenne-relais ou à une box Internet, ils sont bien obligés de communiquer différemment. C’est là que les ondes radio entrent en jeu : c’est normal que les smartphones en émettent et en reçoivent, puisqu’il s’agit de télécommunications sans fil. Un patch anti-ondes qui bloquerait d’ailleurs 100 % des ondes poserait d’ailleurs quelques petits soucis pour communiquer.

Ces ondes constituent ce qu’on appelle le spectre électromagnétique. Il s’agit d’un champ invisible et impalpable qui nous entoure et nous pénètre. Il se trouve partout. La lumière en fait partie. Les rayons X aussi, tout comme les ultraviolets, l’infrarouge et, bien sûr, les ondes radio. C’est grâce à ce spectre que l’on peut avoir des liaisons sans fil (Wi-Fi, Bluetooth, 4G, 5G, etc.). Ces ondes ont des spécificités variées (de fréquence, d’énergie, de longueur d’onde).

Ces prolégomènes établis, est-ce que ces patchs ont un quelconque intérêt pour la santé ? La réponse va d’un « non » ferme et massif et « le bénéfice sanitaire n’est pas démontré », dans le meilleur des cas, à « cela pourrait même s’avérer plutôt nocif » dans le pire. Les équipements anti-ondes en général et les patchs Fazup en particulier ont déjà fait l’objet de plusieurs publications de vérification et de démystification. En somme, ça ne sert à rien, et ça surfe sur une peur et une méconnaissance de la tech.

Dans une FAQ consacrée à l’exposition du public aux ondes, l’Agence nationale des fréquences (dont la mission est de vérifier que le niveau d’exposition est conforme à la réglementation) explique que « les dispositifs anti-ondes destinés à être placés sur ou à proximité de l’antenne du téléphone mobile ne montrent pas d’efficacité de protection significative pour l’ensemble des téléphones mobiles et des bandes de fréquence testés. »

Il faut savoir que cette agence a la capacité de relever tout dépassement ou tout écart par rapport aux niveaux fixés par la réglementation. Lorsque cela survient, elle peut exiger du constructeur qu’il règle la puissance d’émission par une mise à jour. Elle peut aussi exiger le retrait du marché de certains produits, y compris un smartphone. Le Razer Phone 2 avait ainsi été rappelé parce qu’il émettait trop d’ondes.

L’Agence nationale des fréquences renvoie d’ailleurs aux travaux menés en 2013 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur le sujet. Treize dispositifs avaient été testés et les conclusions étaient alors très claires : « Les dispositifs anti-ondes destinés à être placés sur ou à proximité de l’antenne du téléphone mobile ne montrent pas d’efficacité de protection significative pour l’ensemble des téléphones mobiles et des bandes de fréquence testés. Aucune conclusion ne peut donc être apportée quant à leur efficacité sur une diminution du niveau de DAS. »

Ce sont sur ces conclusions que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mené, en 2015, une enquête sur les conditions de commercialisation des dispositifs « anti-ondes » pour téléphone mobile. La vente de ces équipements s’accompagne souvent d’allégations multiples qu’il convient de vérifier. La plupart d’entre elles n’ont aucun fondement.

Les smartphones sont soumis à des seuils réglementaires très précis pour préserver la santé

Le DAS, acronyme pour « débit d’absorption spécifique », est un indicateur chiffré qui sert à quantifier l’énergie des ondes émises par les équipements radioélectriques qui est absorbée par le corps humain. Plus cet indicateur est bas, mieux c’est. Cet indicateur est public : on le trouve sur la fiche de chaque smartphone, à côté de ses autres caractéristiques techniques. Il permet d’indiquer au public l’intensité du DAS pour chaque modèle.

Plusieurs seuils de DAS existent en France et la règle est, bien entendu de ne pas les dépasser. La mesure se fait en watts par kilogramme (W/kg). Il est de 2 W/kg pour la tête et pour le tronc, c’est-à-dire le torse. Il est de 4 W/kg pour les membres. Ces mesures sont faites à une distance de quelques millimètres à peine, afin de retranscrire le plus fidèlement possible l’exposition d’une personne en train de téléphoner, l’ayant dans une poche ou à la main.

Reste alors une question : comment ont été choisies ces valeurs-limites de 2 et 4 W/kg ? En fait, elles sont issues des travaux de la commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants, une organisation internationale non gouvernementale est composée d’experts scientifiques indépendants. Ces valeurs ont été établies en 1998, mais peuvent être révisées si besoin. C’est déjà arrivé, sans que cela ne remette en cause le cadre précédent.

En simplifiant à grands traits, les seuils ont été conçus en deux temps. Il y a d’abord eu une phase d’expérimentation, pour déceler un effet thermique (un échauffement des tissus, en clair) dû aux ondes est observé. À partir de ce constat, une limite réglementaire a été fixée. Cette limite est cinquante fois inférieure à ce qui a été mesuré en laboratoire. C’est une marge de sécurité significative qui sert à couvrir d’éventuelles incertitudes scientifiques.

C’est donc sur cette limite réglementaire, cinquante fois plus basse que ce qui a pu être décelé en laboratoire, que le débit d’absorption spécifique a été pensé. C’est donc à ce niveau que l’Agence nationale des fréquences intervient pour régler la puissance du signal avec les constructeurs. L’agence a d’autres missions par ailleurs, toujours en lien avec les ondes. Elle est par exemple très occupée par la 5G et les compteurs Linky, mais n’a rien décelé de préoccupant, malgré les inquiétudes qui ont pu germer sur les réseaux sociaux.

En clair, l’exposition de la population aux ondes est globalement faible en France. Il peut exister de temps à autre des cas atypiques, des écarts et des dépassements de seuil, mais ceux-ci font l’objet de contrôles et de corrections. Dans le cas des portables, cela se traduit par des mises à jour logicielles et, dans les cas les plus sérieux, par un retrait du produit et, parfois, une sanction pécuniaire contre le fabricant.

Des patchs anti-ondes dont l’efficacité n’est pas prouvée et qui peuvent être contreproductifs

Enjoyphoenix n’est en tout cas pas la seule personnalité publique ou influence à se laisser convaincre par ces patchs anti-ondes. Comme l’a relevé le journaliste Raphaël Grably, Fazup a pu s’appuyer sur Louise Chabat, influenceuse « jeunes mères » et fille de l’acteur Alain Chabat, pour relayer sa communication. Une enquête de BFM TV montrait d’ailleurs la stratégie de Fazup consistant à effrayer les jeunes mères pour vendre des patchs anti-ondes.

Comme le relevait l’article dès 2020, Fazup n’apporte aucune preuve concernant les effets de ses produits sur la santé. Questionnés à ce sujet, les deux fondateurs de Fazup admettaient à l’époque qu’il n’avait pas apporté une quelconque preuve du bénéfice sanitaire de cet autocollant. Ils admettaient jouer à demi-mot sur les mots : « Nous écrivons par exemple que notre produit élimine la sensation de maux de tête, non qu’il élimine les maux de tête. »

Toujours en 2020, Stéphane Marty, un ingénieur en micro électronique et vidéaste de la chaîne Deus Ex Silicium, qui s’intéresse justement au fonctionnement des appareils, en décortiquant de toutes sortes de manières, a publié une vidéo dans laquelle il analyse et test un patch de Fazup pour smartphone. Et les conclusions de ces mesures sont loin d’être flatteuses.

n fait, et c’est tout le paradoxe de ces dispositifs présentés comme anti-ondes : ces patchs apparaissent même contreproductifs, voire plutôt nocifs pour la santé. Comme certains de ces produits entravent la propagation diffuse des ondes, dans le cadre d’un fonctionnement normal, les smartphones, constatant une difficulté pour accrocher un signal avec l’antenne-relais, se retrouvent à émettre davantage d’ondes pour surmonter l’obstacle.

C’est ce que pointait d’ailleurs l’Anses dans son avis de 2013. « Les protections qui modifient les performances radioélectriques des téléphones mobiles, en dégradant par exemple les capacités de réception, risquent, dans des conditions d’utilisation réelles, d’augmenter le niveau d’exposition de l’utilisateur ». Autrement dit, ce type de patch ne laisse pas les ondes s’échapper naturellement : il génère au contraire des points de focalisation, avec à la clé une intensité accrue, qui elle est davantage néfaste. Absurde.

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