Le coronavirus vient du dromadaire

L’autre coupable est donc le dromadaire. On avait appris beaucoup de choses, ces derniers mois sur le nouveau coronavirus, sauf son origine. Identifié en Arabie saoudite il y a près d’un an ce virus a rapidement été baptisé «moyen-oriental» par la communauté virologique internationale. C’est ainsi que l’on parle désormais du «Middle East respiratory syndrome coronavirus» (ou MERS-CoV) pour désigner l’agent de la  nouvelle maladie respiratoire (fréquemment mortelle) qu’il provoque -une maladie émergente proche du SRAS qui, apparu à Hong Kong, avait tué plus de sept cents personnes il y a dix ans.

«de personne à personne»

Officiellement 94 cas ont été recensés (dont 46 d’évolution fatale) en Jordanie, au Qatar, dans les Emirats arabes unis, en Arabie Saoudite. En provenance de ces pays des cas ont aussi été diagnostiqués en France, en Allemagne, en Italie au Royaume-Uni et en Tunisie. Ce nouveau CoV inquiète depuis plusieurs mois les autorités d’Arabie Saoudite, principal pays touché et qui s’apprête à accueillir les centaines de milliers de personnes qui vont effectuer en octobre le prochain pèlerinage de La Mecque. L’inquiétude est d’autant plus grande que l’on sait aujourd’hui que le virus peut aisément contaminer des soignants et que dans l’entourage des malades de nombreuses personnes peuvent être infectées et contagieuses sans manifester les symptômes  de la maladie.

Publiés ces derniers mois dans The Lancet et dans The New England Journal of Medicine différentes études ont permis de situer le profil pathogène de ce virus et les caractéristiques de la maladie qu’il provoque. «Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que le nouveau coronavirus est capable de se transmettre de personne à personne, déclarait fin juin à Slate.fr le Pr Didier Pittet, médecin-chef du service de prévention et contrôle de l’infection des Hôpitaux Universitaires de Genève et directeur du Centre collaborateur de l’OMS pour la sécurité des patients lors d’une réunion internationale organisée à Genève. Il est également démontré qu’il peut affecter le personnel soignant et que ce personnel peut à son tour le transmettre à ses proches».

Présent à la réunion de Genève le Pr Ziad A. Memish, ministre saoudien de la Santé publique et responsable sanitaire des pèlerinages avait révélé que les différents essais thérapeutiques (corticoïdes, interféron, antiviraux) effectués chez des personnes gravement infectées et hospitalisées dans son pays n’avaient pas été efficaces. Il avait aussi indiqué que les différentes études menées pour trouver le «réservoir animal» du coronavirus s’étaient révélées infructueuses. Il avait notamment fait d’une vaste étude menée chez 1.100 chauve-souris provenant de trois régions du pays- la chauve-souris est connue pour être un vecteur de coronavirus. Or faute de connaître l’animal vecteur il est difficile de prévenir en amont la réémergence continuelle du virus.

Le puzzle épidémiologique se complète aujourd’hui avec la publication dans The Lancet Infectious Diseases d’une étude originale. Ces travaux ont été menés par une équipe internationale (1) de virologues humains et vétérinaires dirigée par le Dr Chantal Reusken et le Pr Marion  Koopmans (Institut national néerlandais  de la santé publique et l’environnement,  Bilthoven). L’hypothèse dromadaire avait un temps été évoquée avant d’être abandonnée au profit de la piste des chauves-souris qui (de même que des civettes ou des chats) avaient déjà été suspectées lors de l’épidémie de SRAS.

Une multitude de contacts entre le dromadaire et l’homme

De fait le Mers-CoV peut se répliquer dans des cellules de chauves-souris mises en culture. Pour autant il  semble peu probable aux scientifiques que le virus puisse se transmette directement de chauves-souris à l’homme compte-tenu du comportement à la fois timide et nocturne de ce mammifère. Si elle est bien le réservoir premier du nouveau virus, la chauve-souris ne peut à elle seule être tenue pour coupable. Il manquait un chaînon animal. Et la preuve que ce chaînon est le dromadaire est exposée dans les colonnes britanniques de The Lancet Infectious Diseases.

Les auteurs de la publication ont réuni 349 échantillons de sang prélevés sur différentes races animales: dromadaires (et mammifères assimilés), vaches, moutons et chèvres. Les animaux prélevés étaient élevés dans différents pays parmi lesquels Oman, les Pays-Bas, l’Espagne et le Chili. Il est vite apparu que le dromadaire moyen-oriental était concerné: les stigmates biologiques spécifiques (anticorps anti MERS-CoV) retrouvés dans le sang des dromadaires d’Oman étaient absents de tous les autres échantillons.

Ces dromadaires vivant dans différents endroits de ce pays il est logique de conclure que le nouveau virus (ou un qui lui est très proche) circule abondamment dans cette population animale de la région. Les chercheurs sont toutefois surpris de découvrir des traces d’anticorps dans le sang de deux dromadaires vivant aux îles Canaries qui ne sont pas connues pour être touchées le MERS-CoV. Aucun anticorps n’a été retrouvé dans le sang des trente-quatre animaux cousins germains du dromadaire (le chameau de Bactriane, l’alpaga, le  lama) vivant aux Pays-Bas et au Chili.

Les auteurs de la publication font observer qu’à la différence des chauves-souris il existe de très nombreuses occasions de contact entre les dromadaires et l’homme dans la Péninsule arabique où ces animaux sont utilisés pour la course, mais aussi pour leur viande et leur lait. «Les efforts de recherche doivent désormais se concentrer sur des études animales bien conçues au Moyen-Orient, soulignent-ils. Il faudra se concentrer sur la recherche du virus qui déclenche ces anticorps chez les dromadaires, et le comparer au virus isolé à partir de cas de cas humains. Il faudra aussi recueillir le maximum d’informations sur les contacts des patients avec des animaux et des produits d’origine animale, comme le lait de chameau.»

Dans un commentaire publié par la revue britannique Emmie de Wit et Vincent J Munster (Institut américain de l’allergie et des maladies infectieuses, Rocky Mountain Laboratories, Hamilton) rappellent qu’en l’absence de traitement de la nouvelle maladie virale la priorité doit être accordée au blocage de la transmission du virus à l’homme (transmission zoonotique). Ils ne proposent toutefois aucune solution pratique. L’affaire risque d’être complexe et peut-être douloureuse. Les dromadaires infectés par le virus ne présentent aucun symptôme infectieux (on parle de «porteurs sains») et ne peuvent donc pas faire l’objet de mesures préventives ciblées.

(1)Cette publication est signée de vingt quatre chercheurs travaillant dans dix institutions basées aux Pays Bas, en Allemagne, en Espagne, à Oman, en Suède, en Autriche et au Chili. 

Jean-Yves Nau


A votre santé! – Slate.fr

Partagez sur

  • Subscribe to our RSS feed
  • Share this post on Delicious
  • StumbleUpon this post
  • Share this post on Digg
  • Tweet about this post
  • Share this post on Mixx
  • Share this post on Technorati
  • Share this post on Facebook
  • Share this post on NewsVine
  • Share this post on Reddit
  • Share this post on Google
  • Share this post on LinkedIn