Faire une sieste, ça réveille

La sieste? Pour tout le monde ou presque c’est un temps de repos pris au cours de la journée. C’est un instant volé au temps qui fuit, le plus souvent après le déjeuner. On dit l’être humain génétiquement prédestiné pour faire la sieste. C’est bien possible, quoique non démontré.

Littré définissait la sieste de la sorte: «Temps qu’on donne au sommeil, pendant la plus chaude partie du jour, après le dîner, qui est ou était à midi.» Et tous ne la goûtaient pas également. «Le sot s’assoupit et fait la sieste en bonne compagnie» (Vauvenargues). Tandis que Mme de Sévigné (qui savait ce que le mot voulait dire alors qu’il n’était pas encore naturalisé) disait encore siesta.

C’est que le mot nous vient du sud, de l’Espagne précisément qui l’avait préalablement volé au latin sexta hora, la sixième heure ou heure de midi, suivant la manière de compter des Romains. L’anglais préfère le mot nap. Et le français use parfois du mignon roupillon (qui ne s’emploie pratiquement plus qu’avec le verbe piquer).

Ni les Romains à leur apogée ni les Espagnols du Grand Siècle ne s’étaient sans doute penchés sur le sujet qui vient de faire l’objet d’une publication dans les Actes de l’Académie américaine des sciences. Une publication signée par trois chercheurs en psychologie comportementale de la University of Massachusetts Amherst et qui nous confirme que le fait de faire faire (voire d’imposer) une petite sieste aux enfants à l’âge de la maternelle favorise leurs facultés d’apprentissage.

La preuve par les plus petits

Les auteurs ont évalué le bénéfice de la sieste auprès de quarante enfants d’âge préscolaire. Ils ont notamment évalué les modifications des performances à partir d’une épreuve de vision dans l’espace: les enfants devaient se souvenir de la position de différentes images sur une grille mémorisée dans la matinée. Les très jeunes participants ont passé des tests de mémoire immédiatement après l’apprentissage, puis de nouveau dans l’après-midi (avec ou sans sieste); puis aussi le lendemain. Le but était de prendre également en compte l’effet du sommeil nocturne sur la performance.

Au final, les auteurs ont observé de meilleurs résultats aux tests de l’après-midi, mais aussi à ceux du lendemain, chez les enfants qui ont fait la sieste en milieu de journée. Chez eux comme chez l’adulte, le sommeil (y compris sous forme de sieste) favorise la mémoire de travail. C’est là une donnée essentielle qui n’est pas toujours prise en considération (ou qui est parfois remise en question) chez les responsables de l’enseignement des plus jeunes.

Entre inné et acquis

Les jeunes enfants viennent ainsi nous rappeler que, contrairement à la majorité des espèces de mammifères, l’homme ne dort qu’une fois par jour. Le débat reste ouvert pour savoir si c’est là une caractéristique naturelle de notre espèce ou si c’est là un acquis de la société et du vivre ensemble. Si tel devait être le cas, la sieste serait une forme de douce relique d’un temps lointain –un temps pas totalement disparu pour ceux qui s’assoupissent à la sixième heure ou un peu après elle.

Une importante étude réalisée en 2007 en Grèce, par des chercheurs de l’université d’Athènes, auprès de près de 25.000 personnes souffrant d’affections cardiaques et cancéreuses a établi les bienfaits d’un «sommeil de jour». Plus généralement, un consensus se dessine permettant de dire que la sieste est un excellent moyen pour «doper» notre cerveau en lui permettant de devenir plus créatif, en améliorant le fonctionnement de la mémoire, les fonctions de perception, de cognition, de raisonnement. Voire même en améliorant nos humeurs. Reste à savoir ce qu’est une véritable sieste, question essentielle soulevée il y a peu ici-même.

Pas plus de trente minutes

Réponse: une sieste doit être une phase de sommeil qui dure entre dix et trente minutes (idéalement située en début d’après-midi, entre 13h et 16h). Plus longue, votre sieste induirait une forme d’«inertie du sommeil». Comprendre, une sensation de malaise et de quasi-ivresse (la «bouche pâteuse» qui mettra d’autant plus de temps à disparaître que votre repas de midi aura été alcoolisé). Nous poursuivions:

«Sara Mednick, spécialiste du sommeil à l’université de Californie et auteure du livre Take a Nap! Change your life (Faites une sieste! Changez votre vie) estime qu’une sieste de dix à vingt minutes redonne de la vivacité intellectuelle et de l’énergie, mais qu’une sieste de trente minutes pose des problèmes et qu’il vous faudra parfois du temps pour “émerger”. Des études publiées par le Journal of Sleep montrent aussi que des siestes très courtes de six minutes ont des effets bénéfiques sur la mémoire.»

En 1995, une étude réalisée par la Nasa démontrait que des pilotes autorisés à faire une sieste de quarante minutes (vingt-cinq minutes de sommeil effectif) amélioraient leur vigilance de 16% par rapport à leurs collègues privés de sieste. Il en va de même pour les médecins et les infirmières dans des services d’urgence: la sieste améliore sensiblement leur réactivité et leurs performances.

Comme nous le faisions remarquer, certaines entreprises ont commencé à comprendre les avantages de la sieste et installé des pièces pour dormir sur le lieu de travail. C’est le cas entre autres de Google ou du site d’information Huffington Post. La démonstration qu’Internet a saisi l’importance qu’il peut y avoir à piquer (de temps à autre) un (petit) roupillon.

J-Y.N.

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A votre santé! – Slate.fr

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