La carte des addictions en France: des constats, mais pas de réponses

C’est le nouveau paradoxe alcoolique français: la consommation globale d’alcool continue de diminuer tandis que le nombre des ivresses (déclarées) ne cesse d’augmenter, pour l’essentiel chez les jeunes des deux sexes. C’est l’un des principaux enseignements fournis par la cartographie chiffrée que vient de rendre publique l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), disponible sur le site de l’institut.

Ce travail concerne les consommations de produits psychotropes addictifs, licites ou illicites, durant l’année 2010. Présenté de manière à comparer les situations par substances et par régions, il offre une vision nouvelle des addictions.

L’exemple breton

L’exemple de la Bretagne est particulièrement parlant. Contrairement à bien des lieux communs, on n’y compte pas plus de buveurs ni de fumeurs réguliers qu’ailleurs en France. En revanche, les Breton(e)s se distinguent bien du reste de la France par des niveaux d’ivresse élevés ainsi que par «une forte expérimentation des autres drogues».

Le pourcentage de personnes ayant été ivres au moins une fois dans l’année 2010. Cliquer sur la carte pour l’ouvrir en grand

Plus d’un Breton sur quatre s’enivre au moins une fois dans l’année et 15% s’enivrent au moins trois fois, soit près du double de la moyenne nationale (8%). En moyenne hebdomadaire, ils ne consomment en revanche pas plus de bière, d’alcools forts ni de vin que le reste des Français.

La proportion des fumeurs de tabac (28%) y est équivalente à celle du reste de l’Hexagone. Les Breton(ne)s se distinguent aussi par leur appétence plus ou moins expérimentale pour le cannabis (36% y ont déjà goûté) ainsi que pour les poppers (7%), les champignons hallucinogènes (5%), la cocaïne (5%) et l’ecstasy (5%).

La consommation de cannabis au cours de l’année 2010. Cliquer sur la carte pour l’ouvrir en grand.

Descriptif, le travail de l’Inpes ne fournit aucune explication à ces différences régionales qu’il met en lumière. De même, il n’éclaire pas sur les raisons profondes de ce paradoxe alcoolique, pas plus qu’il ne décrit les boissons les plus utilisées pour l’obtention des ivresses rapides et répétées chez les adolescents.

Quelles sont les raisons qui font qu’à La Réunion, près d’un jeune sur trois de moins de 13 ans déclare avoir déjà connu l’ivresse alcoolique? Pourquoi, sur l’ensemble du territoire, la fréquence des ivresses alcooliques (survenant au moins une fois au cours de l’année) est-elle en hausse, passant de 15% en 2005 à 19% en 2010? Et pourquoi les ivresses répétées (au moins trois fois dans l’année) augmentent-elles de 2,5 points pour atteindre 8% en 2010?  

Les mêmes questions se posent pour l’évolution à la hausse chez les plus jeunes (avant l’âge de 15 ans) de la consommation de tabac, ou encore pour celle de cannabis et de champignons hallucinogènes.  

L’Inpes espère que ces chiffres pourront susciter une émulation préventive entre les régions. La lecture de son travail peut aussi être perçue comme une parfaite illustration des failles majeures de l’action collective dans la lutte contre des addictions, notamment chez les plus jeunes.

Elle peut aussi être interprétée de manière plus directement politique: le symptôme d’un désarroi collectif plus profond, l’une des conséquences, sanitaire, des évolutions socio-économiques de la France d’aujourd’hui.

Jean-Yves Nau

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